1 août 2018 616 mots, 3 min. de lecture

Bulles de filtres : les algorithmes n’en sont pas la seule cause

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Que pouvez-vous découvrir sur les bulles de filtres lorsque vous analysez un dataset constitué de milliards de tweets sur une période de 8 ans ? Des résultats très intéressants à coup sûr.  En particulier que vous n’avez pas besoin d’algorithmes pour […]

Que pouvez-vous découvrir sur les bulles de filtres lorsque vous analysez un dataset constitué de milliards de tweets sur une période de 8 ans ? Des résultats très intéressants à coup sûr.  En particulier que vous n’avez pas besoin d’algorithmes pour rester à l’intérieur d’une chambre d’écho et qu’établir des ponts entre chambres d’écho a un prix. Tout ceci contribue forcément à la discussion en cours sur la réalité des bulles de filtres algorithmiques.

Introduction

Garimella et al (2018) ont étudié les échanges à teneur politique sur Twitter Leur recherche diffère de celle de Bakshy et al (2015) en ce que le message ainsi que le réseau pour le propager ont été cette fois étudiés. Il s’agit d’une amélioration méthodologique significative par rapport à l’étude de Bakshy et al. qui se concentrait sur la consommation de contenus « transversaux » (de nature différente). Il faut cependant se rappeler que l’étude de Bakshy (basée sur les données de Facebook et non sur celles de Twitter) est arrivée à un moment où Facebook était accusé d’influencer l’opinion des électeurs. Le point focal était donc sur le contenu à cette époque.

Ayez des opinions partisanes si vous voulez être populaire sur Twitter

Le titre de ce paragraphe peut sembler exagéré mais c’est à peu près l’essence des résultats de la recherche.
Ceux qui propagent des messages partisans (c.-à-d. un contenu qui penche exclusivement vers une extrémité de l’échiquier politique) jouissent d’un taux de retweet statistiquement plus élevé, d’un volume de retweets plus haut, ainsi que de taux de taux de favoris et de volumes de favoris plus importants.

Connecter les chambres d’écho a un coût pour les twittos

Les utilisateurs dits « bipartisans » (c’est-à-dire les utilisateurs qui envoient des tweets supportant l’un ou l’autre côté du spectre politique) occupent une position moins centrale dans leur réseau (position mesurable via leur PageRank) et sont aussi -logiquement- moins populaires (popularité mesurée par le nombre de taux et de volume de retweet ainsi que par le taux et le volume préférés). Cependant, aucune différence significative n’a été constatée dans le nombre de followers.
Être bipartisan et essayer de relayer à sa communauté des opinions politiques opposées a donc un coût : celui d’une diminution du taux d’engagement de sa communauté.

Avons-nous besoin d’algorithmes pour être piégés dans une bulle de filtres ?

Cette étude montre que nous n’avons pas nécessairement besoin d’algorithmes pour être piégé dans une chambre d’écho. La dissonance cognitive et les effets de groupe sont suffisants pour cela .
Twitter ne filtre pas les messages (il n’y a pas d’algorithme de recommandation comme sur facebook) et pourtant la polarisation est une réalité sur ce réseau social. Connecter les utilisateurs se complaisant dans une chambre d’écho n’est toutefois pas une stratégie « gagnante » pour celui qui la pratique ; les utilisateurs ne sont donc pas poussés (« nudgés » pourrait-on dire) à relayer des opinions moins polarisées.
Le fait de pousser les utilisateurs vers moins de polarisation est certainement un aspect qui devra faire partie des développements des algorithmes futurs. Comme je l’ai souvent expliqué les algorithmes sont des outils informatiques comme les autres qui devraient être conçus pour le bien de la société dans son ensemble, ce qui passe forcément par plus d’échanges et moins de polarisation. Les extrêmes n’ont en effet jamais contribué à rendre le monde meilleur.



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