5 novembre 2014 748 mots, 3 min. de lecture

Une compagnie aérienne normale peut-elle encore rivaliser avec un pure player low-cost ?

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Après SN Brussels Airlines qui a annoncé le lancement d’une offre « low-cost », Air France a essayé de faire la même chose mais ses plans ont été stoppés net par deux semaines de grève (qui pourraient avoir coûté jusqu’à […]

Après SN Brussels Airlines qui a annoncé le lancement d’une offre « low-cost », Air France a essayé de faire la même chose mais ses plans ont été stoppés net par deux semaines de grève (qui pourraient avoir coûté jusqu’à 300m€ selon les journaux). Pourtant, ce que vous pouvez observer sur le marché c’est que le low-cost est devenu le « business model » dominant. Ryanair en a été le chef de file incontesté pendant des années (en termes de bénéfices) et est devenu ainsi le premier transporteur aérien en Europe. Cette année, EasyJet a coiffé Ryanair sur le poteau et est devenue la compagnie la plus rentable en Europe.
La question qu’il faut se poser est la suivante : un autre « business model » est-il encore possible ?

La fin d’un business model ?

Très logiquement les compagnies « normales » (c’est-à-dire celles qui n’appartiennent pas à la catégorie low-cost) ont du s’adapter pour survivre. Les clients ont vécu ainsi des changements au cours des dernières années dans la tarification des compagnies aériennes normales: paiement par carte de crédit sujet à des frais supplémentaires, sièges spéciaux vendus avec supplément, repas et boissons sont devenus payants, … Les recettes low-cost ont donc été appliquées à la classe économique mais, comme l’a dit O-Leary, l’ADN des compagnies aériennes « normales » est ce qu’il est et ces compagnies ne seront jamais en mesure de se transformer en concurrent « low cost ».

Voilà pourquoi certaines compagnies aériennes historiques ont pensé qu’il serait peut être plus facile de démarrer une entreprise distincte dont ADN sera « Low Cost » dès le début. Air France voulait suivre cette voie mais a du reculer face à l’opposition des pilotes. La deuxième tentative est sur les rails avec Transavia.

Polarisation du marché

Plus généralement la question est de savoir si il y a encore un avenir pour les compagnies aériennes « normales » en Europe. Comme dans de nombreux marchés (l’automobile est un bon exemple), nous assistons à une polarisation du marché: Low-Cost, d’un côté, premium ou luxe de l’autre. Le transport aérien ne fait pas exception. Les compagnies aériennes qui montent sont celles à faibles coûts comme Ryanair, Easyjet et Southwest; à l’autre extrémité vous trouverez des concurrents du Moyen-Orient et d’Asie qui ont décidé de jouer à fond la carte du premium et du luxe: Singapore Airlines bien sûr, Emirates et Etihad (la petite compagnie qui monte) qui a d’énormes ambitions en particulier avec des suites à 50000 US $ (appelées Residence) disponibles sur Airbus A380. Une telle débauche de luxe est unique.

Prises de participation multiples …

L’avenir des des compagnies aériennes européennes historiques pourrait bien être au Moyen-Orient. Les budgets disponibles pour lla croissance des Hubs et des compagnies aériennes moyenne-orientales semblent être illimités. Dubaï a englouti des milliards dans un Hub pouvant accueillir jusqu’à 120 millions de passagers par an. Le hub d’Etihad ne dispose certes que d’une capacité de 20 millions de passager mais le petit émirat veut rivaliser avec Emirates (la compagnie aérienne nationale de Dubaï) et a commencé une stratégie agressive d’acquisitions. La dernière « prise » fut Alitalia dont il a pris 49% des parts après d’âpres tractations.

… avant la fin des hubs européens ?

Faisons un parallèle audacieux. Au cours des dernières décennies la dette américaine a été financée par les pétrodollars de l’Arabie saoudite. Les milliards du gaz et pétrole au Moyen-Orient ont déjà permis au milliardaires duu Golfe et aux fonds souverains moyen-orientaux de faire des emplettes nombreuses. Les hôtels cinq étoiles (surtout à Paris) devenus propriétés des Emirs milliardaires ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Avec le rachat des dettes des compagnies aériennes européennes et les prises de participation auxquelles nous assistons, il se peut l’Europe soient en train de perdre un autre pan de son industrie et qu’à termes une consolidation suive qui déplace tous les hubs au sud pour ne laisser en Europe que des aéroports réduits au rôle de « portes de sortie » (Gateaways) vers le vieux continent.

Photo : copyright Yakusa77 via Flickr


Publié dans Marketing, Stratégie.

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