17 février 2020 1434 mots, 6 min. de lecture Dernière mise à jour : 9 novembre 2020

[Podcast] Comment « augmenter » les forces de vente avec l’intelligence artificielle

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Dans ce podcast, réalisé à la veille de Noël 2019, j’ai eu le plaisir de recevoir Adrian Pellegrini, co-fondateur de BlueDME, une start-up française qui conseille les vendeurs grâce à l’intelligence artificielle. La start-up s’est d’abord lancée dans le secteur […]

Adrian PellegriniDans ce podcast, réalisé à la veille de Noël 2019, j’ai eu le plaisir de recevoir Adrian Pellegrini, co-fondateur de BlueDME, une start-up française qui conseille les vendeurs grâce à l’intelligence artificielle. La start-up s’est d’abord lancée dans le secteur automobile avant d’investir le terrain des assurances. Adrian Pellegrini avait attiré mon attention en publiant un article sur Linkedin consacré au « vendeur augmenté ». C’est ce concept de « vendeur augmenté » dont j’ai voulu débattre avec lui, ainsi que du développement et l’avenir de sa start-up. L’histoire de Blue DME illustre également la démarche d’effectuation qui est souvent appliquée dans les start-ups et que certains ont tendance à opposer à l’étude de marché. Vous trouverez donc dans cet article un encart sur la logique effectuale.


Sommaire

BlueDME en bref

BlueDME a développé un algorithme qui permet de proposer aux commerciaux certaines actions à réaliser en fonction de la probabilité de que cette action porte ses fruits. Bien entendu c’est l’acte de vente qui est cÅ“ur de la prédiction et c’est ce que les algorithmes de BlueDME vont essayer de prédire. L’assistant agit donc comme une petit voix qui va suggérer au commercial quelles actions entreprendre en fonction de la probabilité de succès de ces dernières. La technologie s’appuie sur 3 briques algorithmiques qui sont détaillées dans le podcast.

Qu’est-ce que l’effectuation ?

 

Le terme « effectuation » est très employé en entrepreneuriat. J’y avais d’ailleurs consacré un article dès 2010 dans lequel j’avais inclus une comparaison des 2 approches entrepreneuriales : logique causale (« causation » en anglais) et logique effectuale (« effectuation » en anglais).

Philippe Silberzahn, expert de l’effectuation (je vous recommande d’ailleurs son livre « Effectuation : Les principes de l’action entrepreneuriale ») utilise un schéma très éclairant pour illustrer les deux approches. Il écrit :

La logique effectuale s’oppose à la logique causale dans le sens où elle constitue une approche de résolution dynamique de problème dans laquelle les buts émergent à partir des moyens disponibles à l’entrepreneur, et non l’inverse.

Raisonnement causal, raisonnement effectual : deux logiques opposées

Raisonnement causal, raisonnement effectual : deux logiques opposées (Silberzahn 2013)

Sa vision de l’étude de marché est parfois extrême et je ne la partage pas. Il a en effet tendance à opposer étude de marché et démarche effectuale, comme si cette dernière ne pouvait s’appuyer sur des techniques apportées par l’autre (ce que le cas de BlueDME illustre à merveille). Par contre je le rejoins lorsqu’il écrit :

les marchés n’existent pas ‘quelque part’, attendant d’être découverts au moyen d’une étude de marché approfondie ou d’un trait de génie. Au contraire, objets artificiels, ils ne peuvent exister que s’ils sont créés par quelqu’un, en l’occurrence par les entrepreneurs.

Les opportunités doivent être créées et l’entrepreneur est à la base de cette création. Il n’en reste pas moins que, même sans effectuer une étude de marché complète en amont, certaines techniques d’étude de marché me semblent opportunes pour ouvrir les yeux de l’entrepreneur et l’aider à comprendre et à saisir les opportunités qui s’offrent à lui.

Étude de marché et feedback clients

La société a été à l’origine lancée sur une idée précise pour laquelle une étude de marché avait été effectuée. Cette idée de base a toutefois été challengée par les 2 premiers clients et un pivot, vers des cas d’application plus concrets, effectué. Comme dans beaucoup de start-ups donc, c’est une demande client précise qui pousse l’entreprise dans une direction précise. Ces 2 clients ont donc été les catalyseurs de développements technologiques aboutissant à un produit qui correspondait mieux à leurs besoins. Adrian Pellegrini évoque une approche agile (une release tous les 3 mois) pour satisfaire ces besoins spécifiques. Le risque était bien entendu que le produit final ne soit adapté qu’aux besoins de ces clients. Si Adrian admet que les développements spécifiques ont représenté 6 mois de travail, il juge que cet effort n’a pas été réalisé en vain. En effet, ces développements sur-mesure ont permis de fidéliser les clients d’une part, et d’asseoir les compétences techniques de l’équipe d’autre part.

C’est un conseil que je pourrais donner aux personnes qui nous écoutent et qui ont envie de se lancer dans l’entrepreneuriat de lancer une start-up. Ne faites pas comme nous, allez-y vraiment avec une étude de marché au départ.

Adrian Pellegrini, co-fondateur, BlueDME

Le cas de BlueDME illustre bien la tension qui peut exister entre approche effectuale et approche classique. En effet Adrian Pellegrini explique que fin 2017, il a utilisé une technique classique d’étude de marché (les focus groups) pour générer de nouvelles idées et poursuivre les développements. L’ambition était de rendre les fonctionnalités plus généralisables et de trouver de nouveaux marchés. Voici comme Adrian explicite sa démarche :

Ma vision, c’est une vision qui doit être scalable et donc sur cette vision scalable je dois aller voir un petit peu plus loin.  Et pour ça, nous ce qu’on a fait, et ça c’était fin 2017, on a en effet refait des focus groups avec des clients plus petits. On a refait des invitations, on a refait des audits dans tous nos potentiels clients pour se dire: OK, on a une plateforme qui marche bien, mais qui, en effet, est un peu spécifique à ces clients-là. Comment je vais pouvoir la sortir de là ? Et on a mis à peu près 6 mois à étendre la vision à d’ autres clients, et à des clients notamment plus petits.

On peut s’interroger sur le choix méthodologique qui a été effectué (les focus groups). Mais là n’est pas la question. Ce que je trouve remarquable c’est que l’entrepreneur, à un moment, se rende compte de ses faiblesses et agisse pour y remédier. Tout le monde n’a pas la présence d’esprit (ni le courage) de solutionner les problèmes.

Trouver de nouvelles idées : quelles méthodologies ?

Revenons sur la partie méthodologique évoquée plus haut. La question est donc de savoir quelle approche utiliser pour générer de nouvelles idées.

J’aurais tendance à conseiller le design thinking, une méthode qui combine des techniques d’étude de marché (la recherche de tendances, l’ethnographie, les entretiens qualitatifs) et un travail en petits groupes afin de générer de nouvelles idées (la phase d’idéation). Les focus groups sont une technique confirmatoire qu’il faut plutôt utiliser pour valider des hypothèses de travail.

Adoption de l’innovation et révolution technologique

Le produit proposé par BlueDME pose naturellement la question de l’adoption technologique et des résistances des utilisateurs de la technologie. Chaque avancée technologique apporte son lot de résistances. Je vous invite à lire cet article que j’avais consacré à la résistance dans le domaine des nouveaux médias. D’autres exemples existent, comme par exemple le luddisme que j’évoque dans le podcast.

Puisque BlueDME a vocation a conseiller le vendeur, il est légitime de s’interroger sur la réaction du vendeur. Va-t-il accepter cette aide virtuelle ? Va-t-il collaborer avec elle ? Ou bien va-t-il se sentir menacé ? Ces questions sont d’autant plus pertinentes que l’amélioration des algorithmes requièrent que les utilisateurs l’alimentent en données. C’est l’effet d’apprentissage (machine learning). La performance future de l’algorithme dépend donc de la qualité des données rendues à la machine par l’utilisateur.

Le futur de BlueDME

Sur base d’une étude de marché, 2 secteurs porteurs ont été identifiés. Le cycle de vente y est assez long, ce qui explique l’opportunité de seconder les vendeurs afin mieux cibler leurs actions. Ces deux secteurs sont l’immobilier et l’assurance santé (le secteur des mutuelles).

Nous aurons à cÅ“ur de refaire un point en 2021 avec Adrian Pellegrini afin d’apprécier la progression de l’entreprise.

A lire pour aller plus loin

Silberzahn, P. (2013). Effectuation: Les principes de l’action entrepreneuriale. Amazon Media.

Crédits images : BlueDME, Shutterstock, Silberzahn



Publié dans Entrepreneuriat.

Donnez votre avis

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *