13 octobre 2021 1607 mots, 7 min. de lecture Dernière mise à jour : 15 mars 2022

Marketing social : exemple du gaspillage alimentaire [Etude de cas]

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le marketing social vise à utiliser les techniques marketing pour promouvoir les causes d’ordre social ou d’intérêt général. Nous en avons donné plusieurs illustrations dans notre article de référence sur le sujet. Pour illustrer l’idée de marketing social nous analysons […]

Le marketing social vise à utiliser les techniques marketing pour promouvoir les causes d’ordre social ou d’intérêt général. Nous en avons donné plusieurs illustrations dans notre article de référence sur le sujet. Pour illustrer l’idée de marketing social nous analysons dans cet article le cas du gaspillage alimentaire suivant la méthode des 4P (marketing mix). Cette étude de cas nous donnera en particulier l’occasion de comprendre comment les consommateurs sont incités à agir contre le gaspillage alimentaire, un enjeu qui peut relever parfois du nudge marketing.

Sommaire


Rappel sur le marketing social

Le « marketing social » est un terme inventé en 1971 par Philip Kotler et Gerald Zaltman. Dans leur article de l’époque ils conceptualisent le marketing social comme une manière de promouvoir des causes servant l’intérêt général. Il s’agit donc de mettre les outils du marketing au service des bonnes causes.

Pour analyser le gaspillage alimentaire, nous allons utiliser le marketing mix et plus précisément les 4P. C’est ainsi que Kotler et Zaltman ont proposé d’analyser les actions de marketing social à l’époque. Les 4P représentent de fait un modèle qui facilite grandement la lecture des actions marketing. Ils permettent de de décrire les actions à mener pour passer du marketing stratégique au marketing opérationnel. On peut débattre sur la pertinence du modèle à l’heure actuelle, mais nous mettrons ce débat de côté dans le cadre de cet exercice.

marketing mix 4P product produit

Marketing Mix : le produit

Le « produit » dont l’idée doit être vendue par le biais d’actions de marketing social c’est le gaspillage alimentaire. Les chiffres sont édifiants. Une étude de la FAO révèle que dans les pays industrialisés les consommateurs gaspillent entre 80 et 110 kg de nourriture par personne et par an. Cela représente de 1,5 à 2kg par semaine et par personne.

Dans un monde où certains luttent pour survivre, où les capacités de production de la terre sont poussées aux limites et s’épuisent, lutter contre le gaspillage alimentaire est un enjeu primordial.

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Marketing mix : la mise en avant du gaspillage alimentaire (« promotion »)

Dans cette partie du marketing mix on s’attachera à expliquer comment la cause est mise en avant et quels sont les différents canaux de communication.

Niveau international

L’Union Européenne a lancé son Green Act dont un pan vise à réduire le gaspillage alimentaire par la réduction des intermédiaires (principe de « la ferme à l’assiette »). L’UNEP (United Nation Environment Programme) est un fer de lance de la communication anti-gaspillage. Elle met à disposition des kits de communication et objective le poids du gaspillage alimentaire grâce à des statistiques claires et factuelles. Son rapport annuel est un modèle du genre.

Niveau National

Too Good To Go x The Good Company

Cette campagne d’affichage a été financée par les 51 signataires du Pacte sur les Dates de Consommation. Elle a été lancée en France à l’occasion de la journée contre le gaspillage alimentaire (16 Octobre). Elle visait à sensibiliser le public aux dates de péremption.
Crédits : avec l’aimable autorisation de The Good Company

Too Good To Go est un autre acteur majeur de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ses efforts en matière de communication sont importants et l’association essayent de rallier les industriels et acteurs de la grande distribution à sa cause. Elle a ainsi fait adhérer 51 acteurs de l’agro-alimentaire et de la distribution à son Pacte sur les Dates de Consommation. L’objectif était de repenser les dates limite de consommation responsable, selon les sources, de 10 à 20% du gaspillage alimentaire.

 


Niveau local

Damn Food Waste Amsterdam

L’opération Damn Food Waste contre le gaspillage alimentaire a notamment été menée devant le Rijksmuseum d’Amsterdam.
Crédits photos : webted via Flickr

Des initiatives locales voient aussi le jour comme « Damn Food Waste » (Amsterdam). Des opérations de street marketing peuvent alors être organisées qui vont au contact de la population et permettent d’entamer un dialogue et une sensibilisation plus personnalisée.


Comme on peut donc le constater, le facteur « promotion » peut donc prendre plusieurs formes en fonction du niveau auquel la communication se situe. On distinguera les initiatives internationales, celles dont l’échelle est nationale, et enfin celles qui visent à toucher un public plus local. En fonction du niveau des moyens différents pourront être mis en Å“uvre.

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Marketing mix : la distribution (« place »)

Dans l’optique du marketing social, le P de « Place » prend un sens particulier. Comme nous l’avons expliqué dans notre guide, il s’agit de rendre la bonne cause actionnable. Il faut donc qu’elle ne reste pas un concept théorique dans l’esprit des consommateurs, mais qu’ils puissent se l’approprier et agir. On parle alors de consomm’acteurs.

En matière de gaspillage alimentaire, les initiatives sont multiples.

Too Good To Go

Too Good To Go est un mouvement contre le gaspillage élémentaire dont les initiatives permettent de changer les comportements. Son application mobile permet à chacun de commander de « paniers » composés d’invendus dans des magasins participants à proximité.

Les produits « moches »

Si le consommateur final gaspille de la nourriture, il ne faut pas oublier que l’industrie alimentaire porte une responsabilité encore plus grande. De nombreux ingrédients n’atteignent jamais les rayons des supermarchés parce qu’ils ne répondent pas au « cahier des charges », c’est-à-dire aux normes que les distributeurs imposent aux producteurs. En réaction, des mouvements se créent pour mettre en avant les légumes moches et les proposer aux consommateurs. De cette façon, chacun peut contribuer à réduire le gaspillage alimentaire en montrant à l’industrie alimentaire que les légumes « moches » ont leur place dans nos assiettes.

Vente en vrac

Une des sources évidentes de gaspillage c’est l’achat en trop grande quantité. La vente en vrac s’est ainsi très bien développée ces dernières années (voir notre étude sur le sujet).

Valorisation des fruits légumes abîmés

Des filières se sont développées pour valoriser les fruits et légumes dont les distributeurs ne veulent pas. Au SIAL 2018 par exemple Re-Belle présentait des confitures faites avec des fruits abîmés. Si l’utilisation de tels fruits n’est pas une nouveauté, ce qui était intéressant par contre c’est de voir que cette réutilisation était mise en avant dans le marketing de la confiture.

Revalorisation du pain invendu en supermarché

Le pain vendu en supermarché représente une source de gaspillage alimentaire importante. The Beer Project (Belgique) a lancé en 2015 une bière appelée « Babylone » qui était brassée en réutilisant le pain invendu des supermarchés Delhaize. Cette recette a fait des émules puisque la marque de bière bio et locale CocoMiette s’en est inspirée également (écoutez ici le podcast de la créatrice de Cocomiette).

Cuisine des restes

étagèrs avec livres zéro déchetsUne nouvelle littérature se développe autour du zéro déchet qui touche également la cuisine. Les livres sur la « cuisine des restes » se multiplient et nous rappellent qu’il était normal de ne pas gâcher quand la surabondance n’était pas la norme.


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Marketing mix : le prix

Dans cette section on s’attachera à analyser les implications financières du marketing social appliqué au gaspillage alimentaire.

Il va tout d’abord sans dire que le gaspillage alimentaire a un coût pour le consommateur et pour tous les intermédiaires de la chaîne de valeur. Réduire le gaspillage alimentaire c’est se mettre en condition d’économiser de l’argent et de faire baisser les prix des produits.

Les actions que le consommateur final peut prendre pour limiter son gaspillage alimentaire seront donc de nature à réduire la part de son budget consacrée à la nourriture.

Too Good Too Go offre via son application une manière simple d’optimiser son budget en achetant des invendus.

Au niveau des supermarchés eux-mêmes des systèmes élaborés existent pour inciter le consommateur pour consommer les produits proches de la date d’expiration. Des réductions sont concédées aux clients achetant ce type de produit. Aux Pays-Bas, la chaîne de supermarchés Albert Heijn va plus loin en automatisant ce mécanisme de réduction des prix. C’est ce qu’on appelle le « Dynamic Markdown ».

albert hein store

Depuis 2020 Albert Heijn teste dans ses magasins aux Pays-Bas un système de « dynamic markdown ». Le dynamic markdown permet de faire baisser les prix de manière dynamique en fonction des stocks et de la date d’expiration des produits. Les magasins envoient la veille ou le matin l’état de leur stock et un algorithme calcule les prix après réductions.  Actuellement le système est limité à la viande rouge et à la volaille. En fonction du stock l’algorithme communique la remise optimale et la communique au magasin qui est équipé d’un système d’étiquettes électroniques. Pendant la journée les ventes réalisées sont communiquées à l’algorithme qui garde ainsi trace des variations de stock et peut recalculer la remise idéale. Ce mécanisme continue jusqu’à ce que le stock soit à zéro. A la fermeture du magasin les produits restants sont retirés des rayons. 

 

 

 

 



Publié dans Marketing.

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