11 juin 2019 1428 mots, 6 min. de lecture

Conférence EMAC 2019 : 5 études marketing à connaître absolument

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
L’European Marketing Academy Conference (EMAC) est sans doute la conférence marketing la plus réputée en Europe pour les universitaires. Il s’agit d’une conférence de 3 jours très fréquentée (plus de 1000 visiteurs) qui propose jusqu’à 10 sessions en parallèle et […]

L’European Marketing Academy Conference (EMAC) est sans doute la conférence marketing la plus réputée en Europe pour les universitaires. Il s’agit d’une conférence de 3 jours très fréquentée (plus de 1000 visiteurs) qui propose jusqu’à 10 sessions en parallèle et des centaines de présentations de haut niveau.
Cette année j’ai choisi de vous présenter les résultats de mes 5 travaux de recherche préférés. Dans cette sélection, vous trouverez des résultats qui concernent le secteur de la vente au détail (les effets sur les ventes de la « réinvention » d’un point de vente, les effets sur le vente de l’utilisation d’un scanner portable en magasin) et d’autres qui trouveront des applications dans le domaine des études de marché (comment mesurer l’expérience client, pourquoi les clients satisfaits veulent parfois se venger) et qui intéresseront aussi les spécialistes du digital (ce que cache l’adoption d’une nouvelle application mobile).

J’espère que ce nouvel article saura vous inspirer et que vous y trouverez matière à inspiration.

Le côté obscur de l’adoption des applications mobiles

Cette recherche, centrée sur le lancement et les effets qu’entraîne l’adoption d’une nouvelle application mobile, a été présentée par Pallassana (PK) Kannan de l’Université du Maryland (USA).
La question centrale était la suivante : quel est l’impact l’adoption de l’application d’une entreprise sur les dépenses totales des clients auprès de cette même entreprise ?

La recherche avaitétait basée sur des données (6 cohortes de 10000 utilisateurs chacune) provenant d’une chaîne hôtelière américaine. Les résultats montrent que ceux qui ont utilisé l’application mobile de cette chaîne d’hôtels ont au final moins dépensé auprès de cette chaîne sur le long terme.
La raison de ce résultat inattendu a été révélée par une enquête auprès des utilisateurs qui a montré que ceux qui ont adopté l’application étaient également plus susceptibles d’adopter les applications des concurrents. Ils sont ainsi devenus plus sensibles aux offres de la concurrence, ont fait plus d’achats et ont donc moins dépensé avec la chaîne hôtelière étudiée.

Mesure de l’expérience client : élaboration d’une échelle textuelle et graphique

Markus Gahler et ses collègues travaillent depuis de nombreuses années à solutionner un problème marketing important : comment mesurer de manière fiable l’expérience client ? Il s’agit bien ici de proposer une échelle de mesurer qui aille au-delà des échelles artificielles commercialisées par des entreprises de conseil spécialisées qui sacrifient la validité des instruments au profit de leurs propres intérêts. Après ce petit coup de griffe, revenons au sujet véritable, la création de’une échelle de mesure de l’expérience client.
Sur la base des travaux de Lemon et Verhoef (2016), les auteurs ont proposé une extension des dimensions constitutives de l’expérience client. Après avoir présenté la première partie de leurs recherches à la conférence EMAC 2018 à Glasgow, ils en ont présenté cette année la dernière partie et ont apporté les dernières preuves nécessaires pour confirmer la validité . J’ai écrit échelles avec un « s » parce qu’il s’agit en effet ici du développement de 2 échelles : l’une basée sur des questions (instrument de mesure quantitative par excellence) et l’autre sur des images (adapté à la mesure sur appareils mobiles).
Chaque échelle mesure l’expérience client selon 6 dimensions : affective, cognitive, relationnelle, physique, sensorielle et symbolique.
L’ajout de la dimension symbolique comme élément de l’expérience client est également une contribution de Markus Gahler et de ses collègues. Le travail de Lemon et Verhoef n’avait en effet pas pris cette dimension en considération. Elle peut toutefois être importante pour certaines marques comme Tesla. Si l’utilisation d’un Tesla fait appel aux 5 premières dimensions, elle est également susceptible de véhiculer une signification symbolique pour son propriétaire qui s’inscrirait dans une démarche écologique.

L’échelle textuelle régulière a également été « traduite » en une échelle basée sur des symboles, des icônes qui facilitent l’administration du questionnaire sur les appareils mobiles. En 2018, les chercheurs disposaient encore d’un ensemble de 18 « icônes » correspondant aux 18 questions de l’échelle textuelle. Cette année, ils ont montré qu’il était possible de mesurer de manière fiable l’expérience client en ne se basant que sur 6 icônes, une pour chacune des 6 dimensions.

Les effets de la « réinvention » d’un point de vente

Présentée par Mirja Kroschke (Université de Münster), cette recherche porte sur le concept de magasins réinvetés. Une explication de ce terme s’impose tout d’abord.
La réinvention d’un magasin est une transformation radicale d’un magasin : le concept du point de vente est entièrement repensé mais son emplacement ne change pas. La ré-invention peut être de deux types :
le re-positionnement des attributs du magasin tels que la gamme de produits proposés, la profondeur du choix ou la politique de prix
la remodélisation, c’est-à-dire le changement l’offre de services

Les données d’un retailer allemand furent utilisées pour étudier l’impact de la réinvention d’un magasin sur les clients membres du programme de fidélisation (titulaires d’une carte de fidélité) et les clients qui n’y appartenaient pas. L’analyse a été menée sur une période de trois ans :

  • 52 semaines avant la réinvention du magasin
  • Délai de construction de 26 semaines
  • 6 semaines de fermeture
  • 83 semaines après la réinvention

Les résultats montrent des effets différents en fonction de la période observée :

  • à court-terme la réinvention des magasins a une forte influence négative (baisse des ventes) sur les clients membres du programme de fidélisation et une influence positive sur les non-membres
  • à long-terme la réinvention des magasins a un fort effet positif tant sur les membres que sur les non-membres

Effet sur les ventes de l’utilisation par les clients de supermarchés d’un un scanner à main

Carl-Philip Ahlbom (Stockholm School of Economics) a présenté cette fascinante recherche co-écrite avec Dhruv Grewal (Babson College), Jens Nordfält (Université de Bath) et Stephanie M. Noble (Université du Tennessee). L’étude s’est penchée sur les effets de l’utilisation d’un scanner portable sur les dépenses des clients en supermarchés.
5 études ont été réalisées dans différents contextes et avec différentes méthodologies (conditions réelles, oculométie, expériences en laboratoire, etc…) pour comprendre comment réagissent les clients à l’utilisation de scanners portables.
Les études 1 et 2 (menées en conditions réelles) étaient particulièrement intéressantes. Leurs conclusions devraient conforter les commerçants de l’intérêt d’introduire ou de développer le système du scanning portable à destination des clients. Certianes chaînes de supermarchés sont en effet encore réticentes à l’idée de laisser les clients scanner eux-mêmes leurs produits en rayons lorsqu’ils remplissent leurs panier. Pourtant les résultats sont là :

  • l’étude 1 concluait à une augmentation de 48 % des ventes
  • l’étude 2 concluait à une augmentation de 79 % des ventes

Le côté obscur des relations clients : la vengeance après la satisfaction

Cette étude a été présentée par Clemens Hutzinger (Privatuniversität Schloss Seeburg) qui a examiné comment les consommateurs réagissent aux défaillances dans le service aux clients. En particulier, cette étude examine pourquoi des clients auparavant satisfaits cherchent à se venger lors d’un tel échec.
Les résultats établissent qu’il y a deux types de plaignants :
ceux qui ont un faible désir de prise en charge (également caractérisé par un faible engagement envers la marque)
ceux qui ont un fort désir de prise en charge (fort engagement à l’égard de la marque)

Les plaignants de la deuxième catégorie, les plus engagés, sont les plus susceptibles d’attribuer à l’entreprise la responsabilité de l’échec initial même après la résolution de leur problème. C’est un peu comme une histoire d’amour où la haine l’emporte parfois. Au final plus vous êtes engagé envers une marque, plus vous risquez d’être déçu et de chercher à vous venger si un incident se produit dans votre relation.



Publié dans Recherche.

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