30 mars 2023 1293 mots, 6 min. de lecture

Les consommateurs prêts à payer 16% en plus pour des emballages éco-responsables

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
16% : c’est ce que les consommateurs sont prêts à payer en plus pour un produit dont l’emballage est composé en partie de papier. C’est l’un des résultats étonnants d’une étude publiée en 2023 qui révèle les biais des consommateurs […]

16% : c’est ce que les consommateurs sont prêts à payer en plus pour un produit dont l’emballage est composé en partie de papier. C’est l’un des résultats étonnants d’une étude publiée en 2023 qui révèle les biais des consommateurs envers les emballages éco-responsables. Dans cette article je synthétise pour vous les résultats et vous propose quelques implications pratiques en termes de business.

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Emballages éco-responsables : les résultats en bref

  • Les emballages conçus en partie à partir de papier sont perçus comme plus respectueux de l’environnement que les emballages ne contenant que du plastique. Cette perception est 42% plus élevée avec le premier type d’emballage.
  • Cette perception est paradoxalement plus grande lorsque le plastique de l’emballage est visible. Un emballage entièrement en papier est en moyenne perçu 19,9% moins respectueux de l’environnement que son équivalent réalisé seulement en partie à partir de papier.
  • Le biais de perception du consommateur augmente avec la proportion de papier. En d’autres termes, plus la proportion de papier augmente par rapport au plastique, plus le consommateur perçoit l’emballage comme respectueux de l’environnement.
  • Ce biais est lié aux convictions des consommateurs. Plus ces derniers perçoivent le plastique comme mauvais pour l’environnement, plus leur biais par rapport à l’emballage augmente.
  • Les consommateurs sont prêts à payer 16% en plus pour un article emballé dans un emballage composé en partie de papier. Cette propension est plus élevée chez les consommateurs qui perçoivent le plastique comme mauvais pour l’environnement.
  • Lorsqu’un produit est déjà emballé dans du plastique, il suffit de lui rajouter un emballage en papier pour que le consommateur le préfère. Ce résultat a été confirmé avec un produit réel.
  • L’ajout d’un « label » sur l’éco-responsabilité de l’emballage suffit à orienter le choix du consommateur.

Emballages éco-responsables : 8 expériences pour comprendre les choix des consommateurs

L’étude publiée par Sokolova et al. (2023) a été menée sur 4103 personnes au travers de 8 expériences. Chacune de ces expériences nous permet de lever un peu plus le voile sur les mécanismes qui conduisent les consommateurs à poser certains choix en matière d’éco-responsabilité.

Dione ice cream SIAL 2022

Les glaces DIONE sont emballées dans un emballage plastique et sur-emballées dans une boîte en carton qui soutient leur positionnement premium.

L’étude se concentre sur les produits de grande consommation (FMCG) et explore sous différents angles comment le type d’emballage (plastique, papier, plastique+papier) influence la décision d’achat. Les auteurs démontrent également que ce sont certaines perceptions (des biais) des consommateurs qui orientent leurs choix sans qu’ils s’en rendent compte. Pour finir, une expérience en particulier montre que les consommateurs sont prêts à payer plus (sans s’en rendre compte !) pour des produits utilisant des emballages éco-responsables (ou tout du moins qui leur semblent éco-responsables).


Plastique vs. Papier : pour les emballages le consommateur a des préférences

On pouvait se douter que le plastique soit moins plébiscité que le papier. Une des expériences le démontre facilement. La perception d’éco-responsabilité est 42% plus élevée lorsque l’emballage est mixte (papier+plastique) que lorsqu’il n’y a que du plastique. Jusque là donc, tout va bien.

Un exemple de packaging mixte (papier + plastique) que nous avions photographié lors du salon de l’alimentation SIAL 2018.

Mais qui aurait pu penser que le consommateur privilégie les emballages mixtes à ceux qui en apparence ne sont fait que de papier ? C’est pourtant ce qu’une autre expérience (1B) révèle. Les consommateurs ont privilégié l’emballage pour lequel le plastique est visible (colonne du milieu sur image ci-dessous) à celui où il est caché.

Il semblerait donc qu’il existe un biais de sélection qui pousse l’être humain à évaluer l’éco-responsabilité à l’aune de la relation visible entre plastique et papier.

sokolova packaging study 2023

Stimuli visuels utilisés dans l’expérience 1B de Sokolova et al. (2023).

 


Les préférences de l’emballage sont le résultat de nos biais de perception

L’hypothèse de ce biais est confirmé dans 2 autres expériences.

Dans la première les chercheurs font varier le proportion de papier par rapport à celle de plastique. Ils démontrent que plus la proportion de papier augmente par rapport à celle de plastique, plus la perception d’éco-responsabilité augmente. C’est un résultat qui, s’il est logique, n’en reste pas moins dérangeant. En effet, il signifie qu’il suffit juste de rajouter du papier (et donc de sur-emballer) pour influencer le consommateur. L’image utilisée dans l’expérience 2B est du reste très illustrative de cette tendance au suremballage.

sokolova et al. (2023) packaging study experiment 2b

Images utilisées par Sokolova et al. (2023) dans leur expérience 2B. Elles montrent comment le suremballage suffit à influencer le consommateur.

Dans le seconde expérience, le biais de sélection est clairement corrélé à un biais de perception. En effet, les auteurs montrent que la perception d’éco-responsabilité est plus grande chez ceux qui voient le plastique comme beaucoup plus nuisible que le papier.


Les consommateurs prêts à payer plus cher pour un produit dans un emballage éco-responsable

L’expérience qui intéressera sans doute le plus les marketeurs (car elle sans doute la plus simple à comprendre), est l’expérience 3. Dans celle-ci, 802 personnes ont été soumis à une question : « combien seriez-vous prêt à payer pour cette barre de céréale ? ». La moitié du panel voyait une barre emballée uniquement dans du plastique, l’autre dans un emballage hybride plastique + papier. La manipulation des images (voir illustration ci-dessous) est assez simpliste mais suffit à démontrer les biais du consommateur.

sokolova et al. (2023) packaging study experiment 3

Images utilisées par Sokolova et al. (2023) dans l’expérience 3 visant à tester la propension d’achat (Willingness-To-Pay ou WTP).

Les résultats montrent que l’emballage de droite (plastique + papier) entraîne une perception de prix 16% plus élevée que lorsque l’emballage est uniquement fait de plastique (à gauche).

Ce résultat est particulièrement important car il met au jour une technique de « nudging » redoutable. Les industriels seront sans doute tentés de pérenniser l’utilisation de ce nudge pour maximiser leurs marges.


Le positionnement marketing « sans emballage » pourrait en fait être moins intéressant que le positionnement « sans plastique »


Quel impact pour le branding ?

Nous avons parlé à de nos reprises sur ce blog des magasins « sans emballages » et avons suivi pendant des années l’émergence de cette tendance (voir un exemple ici). Ce que cette étude nous montre c’est que le positionnement marketing « sans emballage » pourrait en fait être moins intéressant que le positionnement « sans plastique ». La raison en est que les consommateurs ne considèrent pas comme problématique le surplus d’emballage en général, mais seulement le surplus d’emballage plastique.


Comment rendre les consommateurs plus éco-responsables ?

Un des enseignements importants de cette étude c’est que le choix du consommateur est influencé par les informations tangibles portées sur le packaging. Le test du label éco-responsable est un exemple de ces informations tangibles qui, à l’image du nutriscore, sont de nature à « nudger » le client. Il y a donc de l’espoir pour réduire durablement la quantité de plastique consommé, à condition toutefois que le législateur ne complique pas tout. On se souvient que l’introduction du nutriscore avait provoqué de vifs débats et s’était étalée sur des années en France.

 

 



Publié dans Recherche.

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