25 mars 2020 2016 mots, 9 min. de lecture Dernière mise à jour : 9 décembre 2022

Marché du seconde main de luxe : statistiques et analyse

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Il n’aura échappé à personne que le marché du seconde main de luxe explose depuis quelques années. Acheter en seconde main un vêtement haut-de-gamme ou une pièce de maroquinerie de luxe n’est plus tabou. Ce marché augmente de 12% par […]

Il n’aura échappé à personne que le marché du seconde main de luxe explose depuis quelques années. Acheter en seconde main un vêtement haut-de-gamme ou une pièce de maroquinerie de luxe n’est plus tabou. Ce marché augmente de 12% par an et représente déjà 25 milliards d’Euros. Sa croissance est alimentée par des comportements ambivalents : d’une part ceux des néo-clients qui veulent accéder à une marque ; d’autre part ceux des clients fidèles qui revendent les produits achetés neufs pour en racheter d’autres. Dans cet article nous vous proposons un voyage au cœur du marché du luxe de seconde main et de ses statistiques qui affoleraient plus d’un marketeur.

Cette analyse vous est proposée par IntoTheMinds, cabinet d’études de marché et de conseils en satisfaction et fidélisation client.

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Sommaire

20 statistiques sur le marché du seconde main de luxe

  • 25 milliards d’€ : le marché du luxe d’occasion à l’échelle mondiale (source BCG)
  • 36 milliards d’€ : le poids du marché du luxe d’occasion en 2021 (source BCG)
  • 12% : le taux de croissance annuel moyen du marché du luxe d’occasion
  • x 2 : le marché du seconde main de luxe devrait doubler d’ici cinq ans
  • entre 7 et 9% : la part de l’occasion dans le marché du luxe
  • 30 % de Français disent avoir acheté un vêtement d’occasion en 2018, 32% en 2019
  • 60% des Français disent acheter des produits d’occasion
  • 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour le seul marché des vêtements en France
  • 2,9 milliards d’€ : le volume des ventes réalisées sur Chrono24 en 2020
  • 500% : l’augmentation des ventes d’objets Chanel après la mort de Karl Lagerfeld
  • 1% : le taux de retour des montres de luxe achetées sur les plateformes d’occasion
  • 44 % des clients du luxe passent à la caisse en envisageant déjà la revente de leurs sacs (BCG)
  • 40000 : le nombre d’articles mis en ligne chaque semaine sur Vestiaire Collective
  • 11 millions : le nombre d’acheteurs et vendeurs inscrits sur Vestaire Collective
  • 178m€ : la levée de fond réalisée en septembre 2021 par Vestiaire Collective
  • 45m : le nombre de membres de Vinted (source : les Echos)
  • 1,5 million : le nombre de visiteurs quotidiens sur Vinted
  • 19 000 : le nombre de nouvelles inscriptions quotidiennes sur Vinted
  • 3,5 milliards d’euros : la valorisation de Vinted
  • 20€ : le panier moyen sur Vinted

 

Quels produits haut-de-gamme bénéficient du boom de l’occasion ?

Il suffit de regarder une plateforme comme Vestiaire Collective pour s’apercevoir que tous les articles de luxe bénéficient du boom de l’occasion. Les plateformes spécialisées dans une catégorie d’articles (on pensera par exemple aux montres) sont toujours très fortes et présentes, mais elles sont désormais concurrencées par des acteurs plus généralistes.

L’irruption d’Ebay dans le monde de la vente online a changé la donne et a incité, petit à petit, acheteurs et vendeurs à s’intéresser à des objets jusque-là absents du marché de l’occasion : les objets de luxe. Au début du 21ème siècle des offres online se sont organisées autour de certaines verticales particulières. Chrono24 s’est lancé en 2003 par exemple et est encore aujourd’hui la place de marché dominante. Cela ne veut pas dire que les montres de luxe ne se revendaient pas auparavant. Des spécialistes, avec des magasins physiques, ont toujours existé. On notera cependant que la sémantique utilisée par ces magasins avant l’ère internet était assez différente. Lorsqu’il s’agissait de vêtements d’occasion par exemple, on parlait par exemple de « vintage ». Cette sémantique n’est pas forcément reprise sur les plateformes online dont le gros des ventes est constitué de pièces récentes. D’ailleurs on peut se demander si le mot « Vintage » n’est pas un frein à l’achat plutôt qu’un levier. Les consommateurs d’aujourd’hui sont principalement à la recherche de la bonne affaire (motivation n°1 pour 96% des acheteurs) pour des pièces actuelles. Cette boulimie d’achats va fortement ralentir temporairement pendant la crise du Coronavirus.

Pourquoi le luxe d’occasion est intéressant pour les marques elles-mêmes

Fidélisation et acquisition de nouveaux clients

Le marché du luxe d’occasion a été identifié depuis longtemps par les marques comme un relais de croissance. En témoigne l’acquisition en 2018 de Watchfinder, le spécialiste britannique de la montre haut-de-gamme d’occasion. Au-delà de cet exemple, voir ses produits s’acheter et se vendre sur le marché de l’occasion représente une vraie opportunité de trouver de nouveaux clients et de fidéliser les anciens.
Pour les premiers, le seconde main constitue une sorte d’initiation ; pour les seconds, il permet de revendre des pièces qui ne sont plus portées et d’en acheter de nouvelles. Cette rotation des stocks alimente donc la demande et la production des marques.

La stratégie suivie par Weston est dans ce sens particulièrement intéressante : elle valorise les produits anciens (reconditionnement et revente dans une gamme « noble ») et permet aux propriétaires actuels de se faire plaisir avec un bon d’achat. Le bon d’achat est d’ailleurs une technique marketing utilisée par d’autres marques qui se lancent dans la vente d’articles d’occasion. Voyez par exemple Cyrillus, marque d’habillement haut-de-gamme pour enfant, qui est présente sur la plateforme Disruptual depuis 2017. Lorsqu’un article est vendu, la marque abonde de 50% le montant du bon d’achat. Et ça marche, puisque 80% optent pour le bon d’achat plutôt que pour le cash.

Une étude réalisée par BCG en partenariat avec Vestiaire Collective nous livre des chiffres intéressants sur le comportement des consommateurs de seconde main. En effet, pour 62% des clients, le seconde main a été leur premier contact avec la marque. L’effet fidélisation est donc évident pour les néo-acheteurs. Par contre, pour les acheteurs de produits neufs (ceux qui revendent leur pièce pour faire de la place dans leur dressing), le comportement est totalement différent. On apprend ainsi que 70% de ces personnes n’achètent que rarement de l’occasion.

plateforme dédiée appelée "seconde histoire"

Cyrillus commercialise les vêtements de seconde main sur une plateforme dédiée appelée « seconde histoire ». Cette plateforme est gérée par la société française Disruptual.

Le groupe de luxe Richemont (Piaget, Jaeger-LeCoultre) a fait l’acquisition, en juin 2018, de Watchfinder, une plateforme spécialisée dans la montre de luxe d’occasion

Lutte contre la contrefaçon

Une autre motivation des marques pour « embrasser » le marché de l’occasion c’est la résistance aux contrefaçons. A part quelques articles spécifiques, un article d’occasion est d’ordinaire largement moins cher que son pendant neuf. Pour les montres de luxe la décote peut ainsi atteindre 70% ! Le différentiel de prix entre l’occasion et la contrefaçon devient ainsi plus acceptable (voire négligeable), ce qui réduit la tentation des néo-acheteurs d’opter pour un produit qui ne serait pas original. Un carré Hermès « vintage » se négocie à partir de 80€, alors que des copies chinoises de bonne qualité s’obtiennent aux alentours de 100€. Quel intérêt y-aurait-il pour l’acheteuse de ne pas opter pour l’original ?

En résumé, l’occasion permet de fluidifier le marché du luxe en permettant :

  • aux clients actuels de « faire de la place » et d’acheter de nouveau (fidélisation)
  • à des néo-acheteurs de rentrer dans l’univers du luxe à moindre prix (acquisition)
sacs contrefaits vendus dans la rue par des vendeurs à la sauvette

La contrefaçon est un fléau pour les marques de luxe. En Italie, des sacs contrefaits sont vendus dans la rue par des vendeurs à la sauvette (photo prise à Venise).

 

Weston fait dans le vintage

Voici une publicité qui a été publiée dans plusieurs journaux français et qui témoigne de l’intérêt que les marques développent désormais pour l’occasion. Cette publicité illustre bien la stratégie marketing des marques de luxe : commercialiser des produits d’occasion d’une part, faire racheter (c’est-à-dire fidéliser) les anciens acheteurs. Dans le cas de Weston on notera que les chaussures sont reconditionnées et dans un certain sens « anoblies » puisqu’elles rentrent dans une gamme « Vintage ». Qui dit Vintage dit forcément rareté, authenticité, nostalgie.


Le cas particulier des objets introuvables neufs

Certains objets ne peuvent simplement pas être achetés neufs. Trop rares, réservés à des clients choisis par la marque, ils sont accessibles pour les autres uniquement via le marché de l’occasion. Certains modèles de montres Patek Philippe par exemple ne sont produits qu’à quelques exemplaires chaque année. Les clients doivent remplir un dossier et se porter candidats à l’achat. Un revendeur nous indiquait ainsi avoir 30 clients en liste d’attente pour un modèle dont il ne recevait que 2 pièces par an. Pour ceux qui veulent absolument une montre particulière, le seul moyen est donc le « marché gris ». Ne vous attendez toutefois pas à faire une bonne affaire. Le modèle 5131 de la marque Patek Philippe (photo ci-contre, copyright Patek Philippe) est environ 2 fois plus cher en occasion que si vous aviez la chance de l’acheter neuf chez un revendeur autorisé (voir également notre étude sur le prix des montres de luxe)


4 motivations des consommateurs pour acheter des vêtements d’occasion

Faire de bonnes affaires

C’est sans doute la raison la plus évidente. L’occasion coûte en règle générale largement moins cher que le neuf. Dans le sondage réalisé sur 1005 clients de la plateforme Vestiaire Collective, cette motivation arrivait en tête pour 96% des acheteurs.  L’achat en seconde main trouve donc sa source dans les fins de mois difficiles en premier lieu.

Profondeur de choix

Deuxième motivation à arriver en tête des réponses des consommateurs (sondage Vestiaire Collective), la profondeur de choix séduit 83% des clients.

Rareté anticipée

La mort d’un créateur, la fin d’une collaboration, l’arrêt d’une carrière, sont autant de motivations pour les consommateurs de se ruer sur la production de designers spécifiques. On se souviendra ainsi que lors du décès de Karl Lagerfeld (voir notre article ici), les ventes de produits Chanel avaient bondi de 500% sur la plateforme Videdressing. Même phénomène lorsque Hedi Slimane a annoncé son départ de chez Yves Saint-Laurent (600% d’augmentation). En arrivant chez Céline en 2017, Phoebe Philo, qu’il a remplacé a connu le même sort.

Le sac Kelly d’Hermès est une pièce très recherchée en seconde main. Ce modèle emblématique s’affiche en couverture de la section « pièces d’exception » sur la plateforme Vestiaire Collective.

Rareté avérée

Dans le cas de pièces en édition limitée, ou tout simplement lorsqu’un modèle n’est plus produit, l’unique canal pour s’approvisionner est l’occasion. Certains modèles de sacs par exemple sont particulièrement rares (on pensera au modèle Kelly d’Hermès). Vestiaire Collective dispose pour les trouver de 8 chargés de compte VIP. Elles sont en contact avec des acheteuses compulsives dont la garde-robe XXL se doit d’être renouvelée régulièrement. Pour cette  clientèle très particulière, Vestiaire Collective se charge (pour une commission plus élevée) de faire les photos, de prendre les objets, de les mettre en ligne et de les vendre. Un service de luxe pour des clientes qui pourront donc satisfaire leurs envies d’achats et alimenter leurs addictions au luxe.

7 plateformes du seconde main qui s’affrontent

  • Vestiaire Collective a levé 178m€ en septembre 2021
  • Videdressing a été racheté par Leboncoin fin 2018
  • United Wardrobe (NL) compte 34 millions d’utilisateurs
  • StockX a levé 530m$ depuis Juin 2019
  • Vinted (LT) compte 45m de membres et a levé 250m€ en Mai 2021
  • ThredUP (US) a levé 304.1m$ depuis sa création en 2009
  • The RealReal a été introduit en bourse à Wall Street le 28 Juin 2019 (300m$ levés)

 

Images d’illustration : Shutterstock, Patek Philippe, Vestiaire Collective, Seconde Histoire



Publié dans Marketing.

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