23 juin 2023 768 mots, 4 min. de lecture

Payez votre café au prix juste chez Albert Heijn [Nudge Marketing]

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Trouver le bon pricing est un exercice délicat. Encore plus lorsque le prix devient un vecteur de changement du comportement, c’est-à-dire un « nudge« . Le retailer néerlandais Albert Heijn expérimente actuellement un pricing assez original qui met en avant le « vrai […]

Trouver le bon pricing est un exercice délicat. Encore plus lorsque le prix devient un vecteur de changement du comportement, c’est-à-dire un « nudge« . Le retailer néerlandais Albert Heijn expérimente actuellement un pricing assez original qui met en avant le « vrai prix » de chaque produit consommé. Il s’agit ainsi de sensibiliser le consommateur à l’impact de sa consommation. Cette approche est donc à ranger dans les techniques de pricing qui influencent le comportement.

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true price coffee to go albert heijn poster

La liste des vrais prix des cafés à emporter telle qu’affichée dans 3 magasins Albert Heijn aux Pays-Bas. © Albert Heijn.

Albert Heijn affiche le vrai prix de son café

Les magasins AH (Albert Heijn) de Zaandam, Groninge et Wageningen affichent depuis quelques semaines le « vrai prix » de leur café à emporter. Par vrai prix on entend le prix qui tient compte de ce qu’on appelle les « externalités négatives ». Il s’agit donc de rendre attentif le consommateur à l’impact de sa consommation sur l’environnement et sur ceux qui produisent les matières premières.

D’ailleurs les clients d’Albert Heijn ont le choix : payer les prix normal ou le vrai prix. Il s’agit donc d’une technique de nudge marketing.

On constate que les vrais prix sont en général 3% à 16% plus chers que le prix normalement affichés. Ceci s’explique par les ingrédients utilisés. Prenons un exemple. Le ristretto s’affiche à 1,75€ mais son vrai prix est de 1,81€. La différence de 6 cents correspond aux coûts

  • environnementaux de la production et du transport du café
  • sociaux : rémunération insuffisante des producteurs de café dans les pays pauvres

Dans le cas du cappuccino, la différence grimpe à 14%. La raison est à chercher dans le lait de vache. Sa production a un impact important sur l’environnement. Vous constaterez d’ailleurs que la substitution du lait de vache par du lait d’avoine fait baisser considérablement le « vrai prix ». La différence passe de 14% à 5,5%.

© Albert Heijn


Le calcul du « True Price »

Derrière cette opération d’Albert Heijn se cache l’organisation amstellodamoise True Price. Fondée en 2012, elle a pour but d’inciter les commerçants à afficher le vrai prix de leurs produits.

Le calcul se base sur une méthodologie qui prend en compte les externalités négatives, c’est-à-dire les coûts liés à l’extraction des matières premières, la fabrication des produits, leur transport, … Il peut s’agir de coûts environnementaux comme de coûts sociaux. La méthode est d’ailleurs très poussée puisque des externalités négatives telles que l’impact de la corruption sont également pris en compte.

Ceci permet donc àTrue Price de calculer un « vrai prix » qui est bien entendu supérieur à celui que le consommateur paye dans les pays développés. Au-delà de l’exemple du café d’Albert Heijn, True Price donne sur son site web des exemples d’autres produits dont l’impact est particulièrement élevé. Dans la confection textile par exemple, les coûts environnementaux et sociaux pour un jean sont évalués à 30€ environ. En d’autres termes, lorsque vous achetez un jean, vous le payez 30€ de moins que ce qu’il coûte véritablement compte tenu de l’impact social et environnemental de sa fabrication.

© Albert Heijn


Coup de com’ ou vrai nudge ?

L’initiative d’Albert Heijn doit bien entendu être analysée à l’aune d’objectifs communicationnels. Les entreprises, particulièrement les grandes, doivent aujourd’hui être irréprochables en matière de RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale). Albert Heijn, qui fait partie du groupe de retail Ahold Delhaize, souhaite d’ailleurs obtenir une certification B-Corp.

Cette initiative relève donc, à mon sens, d’abord d’une opération de communication. Sans doute permettra-t-elle de sensibiliser les clients. Toutefois, connaissant les consommateurs néerlandais, je pense peu probable que ces derniers payent le « vrai prix ». Il faut des actions beaucoup plus radicales pour changer les comportements. Un nudge ne consiste pas seulement à donner une information, aussi intéressante soit-elle. Il faut dissuader le consommateur de faire une action potentiellement négative ou le pousser plus fermement dans le bon sens. Il aurait été plus efficace à mon avis de créer un vrai différentiel de prix à l’avantage des boissons à base de lait d’avoine plutôt que de les maintenir au même prix que celles incluant du lait de vache.

 

 



Publié dans Marketing.

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