11 mai 2022 848 mots, 4 min. de lecture

Marché automobile 2021 : ventes en berne mais profits en or

Par Pierre-Nicolas Schwab Docteur en marketing, directeur de IntoTheMinds
Le marché automobile est-il vraiment en crise ? Les ventes se sont effondrées à la faveur du Covid, de l’inflation et du télétravail. Mais paradoxalement, les bénéfices des constructeurs automobiles n’ont jamais été aussi élevés. Les ventes de Stellantis ont […]

Le marché automobile est-il vraiment en crise ? Les ventes se sont effondrées à la faveur du Covid, de l’inflation et du télétravail. Mais paradoxalement, les bénéfices des constructeurs automobiles n’ont jamais été aussi élevés. Les ventes de Stellantis ont par exemple baissé de 12% en volume entre 2020 et 2021, mais ses bénéfices ont augmenté de 12%. Comment peut-on expliquer que la marge bénéficiaire des constructeurs ait ainsi explosé entre 2020 et 2021 ?

Statistiques du marché automobile 2021

  • -14% : le recul des ventes de véhicules neufs entre 2019 et 2020
  • +5% : l’augmentation des ventes de véhicules neufs entre 2020 et 2021
  • 134 milliards d’Euros : les bénéfices des constructeurs automobiles occidentaux en 2021 (+168% par rapport à 2020)
  • 8,5% : la marge moyenne des 16 premiers constructeurs automobiles mondiaux en 2021 (3,5% en 2020)
  • Tesla est le champion de la rentabilité avec 12,1 Mrds d’Euros de bénéfices pour « seulement’ 47,4 Mrds d’Euros de chiffres d’affaires
  • +71% : l’augmentation du CA de Tesla entre 2020 et 2021
  • -7% : la baisse des dépenses de R&D entre 2020 et 2021
  • -24% : la baisse des ventes de véhicules neufs en Europe sur les 12 derniers mois
statistiques du marché automobiles en 2021 : résultats des 16 plus grands constructeurs automobiles (CA, rentabilité, évolution 2020-2021)

Stellantis : -12% de véhicules vendus, +12% de bénéfices !

Le cas de Stellantis est un parfait exemple du caractère singulier de l’année 2021 pour les constructeurs automobiles. Son CA a progressé de 12% alors que les volumes ont diminué de 12% dans le même temps. Cela signifie que Stellantis a réussi à augmenter ses prix.

Pour compenser les problèmes de semi-conducteurs, le groupe Stellantis a misé sur ses véhicules plus haut de gamme. Le prix moyen des véhicules vendus a donc augmenté. Couplé à une augmentation générale des prix catalogue, l’augmentation des marges a été spectaculaire.

Cette situation particulière correspond en plus assez bien à la stratégie de Carlos Tavares. Ce dernier plaide en effet pour une montée en gamme générale et une amélioration du mix produit.

A retenir : 3 facteurs qui ont contribué à une année exceptionnelle

  1. La pénurie des semi-conducteurs a réduit mécaniquement l’offre
  2. La demande, malgré la baisse structurelle, est devenue très supérieure à l’offre, ce qui a permis de faire passer des hausses de prix et d’arrêter la politique de rabais répandue chez les concessionnaires
  3. Les mesures d’économies structurelles engagées par les constructeurs en 2020 pour faire face au Covid sont venues soutenir la rentabilité en 2021

Semi-conducteurs réservés pour les voitures les plus rentables

Paradoxalement la pénurie de semi-conducteurs a été une vraie chance pour les constructeurs. Leur mix produit a pu être adapté en privilégiant les modèles les plus chers. Les consommateurs cibles, aux moyens plus importants, ont accepté les hausses de prix sans broncher.

Cette situation, unique, a conduit tous les constructeurs automobiles à connaître une demande supérieure à l’offre. Les chaînes de production encore ouvertes ont ainsi pu tourner à flux tendu. Ceci a optimisé au maximum la distribution des coûts fixes.


L’année 2021 a été celle de la transition d’un modèle de volume à un modèle de valeur.


L’effet des mesures de rationalisation prises en 2020

Les efforts énormes réalisés en 2020 pour optimiser la structure de coûts ont également porté leurs fruits. Face à la soudaineté de la crise du Covid, les constructeurs automobiles ont dû prendre des mesures drastiques pour garantir leur pérennité. La chute de 14% des immatriculations en 2020, sans précédent, mettait en péril la survie même de certaines marques.

La R&D et les coûts de production ont été réduits de manière drastique. Les politiques de distribution ont également été revues et on assiste en 2022 à des changements encore jamais vus. Les constructeurs abandonnent en effet la distribution via des concessions et veulent mieux maîtriser leurs réseaux et les contacts avec les clients finaux.


La rentabilité des constructeurs automobiles peut-elle tenir en 2022 ?

La grande question que se posent les analystes financiers est de savoir si l’exploit de 2021 pourra être répété en 2022. Le patron de Stellantis a déclaré le 05 Mai 2022, lors de la présentation de ses résultats, viser une marge à 2 chiffres en 2022. L’objectif de Stellantis est d’atteindre les 200 Mrds d’Euros d’ici à 2024. Le groupe se rapprocherait de Volkswagen et Toyota, l’indétrônable duo de tête.

Il faut toutefois faire preuve de la plus grande prudence car l’année 2022 ne ressemblera pas du tout à l’année 2021.

La guerre en Ukraine, le ralentissement de la production en Chine, le blocage encore plus sévère des flux maritimes, et un moral des ménages au plus bas, vont encore faire repartir les ventes à la baisse. Sur les 12 derniers mois, les ventes en Europe sont en baisse de 24%. On assiste donc, irrémédiablement, à un report des dépenses des consommateurs. Et ceux qui ont vraiment besoin d’une voiture vont se tourner vers le marché de l’occasion, grand gagnant de la crise.

 



Publié dans Stratégie.

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